Artemis Fowl - Fragments oubliés

- Les FAR sont prêtes à tout pour conserver leur bien.

Artemis hocha la tête. Amusé. Holly ressentit une montée d’adrénaline. Ils étaient fous, tous les trois, et Fowl était le pire d’entre eux, de loin. Il allait mourir ! Mourir ! Dead end. No start again. Compris, imbécile d’Homme de Boue ? Ne le comprenait-il pas ?

- Je vous ai dit…

La voix moqueuse de l’Irlandais fut la goutte qui fit déborder le vase. Holly était une de ces fées, qui, comme Opale, endurent certaines choses en silence mais qui explosent pour d’autres, plus insignifiantes.

Holly le prit par les épaules, choquée par l’aplomb d’Artemis.

- Vous ne pourrez pas vous échapper ! Vous ne comprenez donc pas ?

Il lui rendit froidement son regard. Tant de mépris et de calcul. Elle avait envie de le frapper, de le sortir de là, lui et sa bande, de…

- Je peux m’échapper, Holly, souffla-t-il. Regardez-moi dans les yeux et répétez-moi que c’est impossible.

Voix calme. Aucune altération de son timbre. Toujours cette certitude. Il savait qu’il gagnerait. Comment ?

Elle fit ce qu’il demandait. Elle fixa les yeux bleu-noir de son ravisseur et y vit la vérité. Pendant un instant, elle le crut.

Oui, il pouvait s’en sortir. Ou du moins il le croyait du plus profond de son être. Ce qui était plus probable, la zone temporelle était indestructible…

- Il reste encore un peu de temps, dit-elle d’un ton désespéré. On doit pouvoir faire quelque chose. J’ai des pouvoirs magiques.

Sa voix avait grimpé d’un décibel. Elle voulait le sauver. Sans vraiment savoir pourquoi. Sans doute parce qu’elle ne voulait pas que quiconque ne meure enfermé quelque part, comme sa mère, et - … Artemis se serait délecté de ce discours freudien.

Cet imbécile.

Ne comprenait-il pas ?
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- Ca signifie, c’est incroyable, ça signifie…
- Qu’ils ont réussi, acheva Holly. Il est vivant. Artemis Fowl est vivant.

Même en vérifiant l’absence des cadavres, la fée ne voulait pas y croire. Il avait beau être un génie, personne, vraiment personne n’avait jamais pu ne serait-ce que soupçonner le moyen de contourner la suspension temporelle.

La brune aux cheveux courts ne savait comment réagir. Elle était énervée. Plus que ça, elle était furieuse.

Elle aurait du lui faire plus de mal qu’une gifle. Le monde – souterrain ou extérieur – ne serait pas sûr tant que Fowl vivrait. Et Holly n’arriverait pas à dormir avant qu’il ne soit bouclé dans une cellule capitonée.

Pire que tout, son propre comportement et son entêtement, la besoin qu’elle avait ressenti de sauver l’adolescent la mettait en une rage profonde et brutale. Pourquoi, comment ? Impossible de savoir.

Fichu Livre parfois…

Mais… Quelque part… C’était peut-être… Pas mieux ainsi, mais… Presque.

Parce que les yeux bleus de l’Irlandais lui avaient crié qu’il était, en effet, tout sauf un bandit.

- Je crois qu’elle est réveillée…

Holly l’interrompit en se redressant brusquement, aspirant l’air à grandes goulées. Elle ne se rappelait pas de grand-chose. Artemis qui l’avait tirée dans le train, la douleur qui avait saisi son doigt, l’évanouissement…

Artemis la saisit par les épaules, abandonnant pour une fois son habituelle carapace de froideur. Les mains de l’adolescent étaient étrangement chaudes.

Elle se rappela qu’avant de plonger dans l’inconscience, elle avait sentit le garçon aux yeux bleu-noir s’écrouler sur elle. Alors c’était sa faute.

Quelle surprise. C’était toujours la faute d’Artemis Fowl.

- Holly, Holly, dites-moi quelque chose. Votre index ? Il va bien ?

L’elfe agita les doigts et les referma en un poing. Beaucoup de sentiments contradictoires traversèrent son esprit. Vengeance. Amusement. Soulagement.

Ce fut la vengeance qui l’emporta.

- Je crois, dit-elle.

Et elle frappa Artemis d’un direct entre les deux yeux. Le jeune homme ahuri atterrit dans une congère pour la quatrième fois de la journée. N’empèche que l’amusement était fort aussi. C’était la première fois que le brun montrait autant d’émotion…

Piste à creuser ?
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- Ah, Holly… Heu… Hé, capitaine Short.

Heu, hé ? C’était bien Artemis Fowl qui venait de s’exprimer ainsi ? Impossible. Ce n’était même pas un vrai mot !

- Oui, l’hum… Oui, Artemis ?
Le Bonhomme de Boue la fixa un instant, mais son regard semblait hésitant. Hésitant. Artemis Fowl. Un miracle.

- Je voudrais… Je veux dire… Ce que je veux dire, c’est… Merci. Je vous dois tout. Grâce à vous, j’ai retrouvé mes parents. Et puis vous avez piloté cette navette de façon extraordinaire. Et dans le train… Enfin, bref, j’aurais été incapable de faire ce que vous… Excusez-moi. Vous avez compris l’idée générale.

L’idée générale. Il était mignon, se surprit à songer Holly. Tellement intelligent et pourtant tellement maladroit. Elle rougit. Comment pouvait-elle penser cela ? C’était un… Enfin… Non. Ce n’était pas vraiment un criminel.

- Peut-être que je vous dois aussi quelque chose, l’humain, dit-elle en dégainant son pistolet.

Elle vit Butler se raidir, mais le remercia silencieusement de lui faire confiance. Elle sortit une pièce d’or à sa ceinture et la jeta en l’air, à vingt mètres au dessus d’elle. Elle leva son arme et tira. Une seule fois. La pièce fut propulsée vingt mètres plus haut puis retomba vers eux, et Artemis l’attrapa au vol.

Le premier geste vraiment cool de sa jeune existence.

-Joli coup, dit-il.

Le disque d’or avait désormais un trou en son centre. Holly tendit la main, révélant la cicatrice encore à vif de son doigt. Cela ne lui faisait plus vraiment mal, de toute façon.

- Sans vous, j’aurai raté ma cible. Aucune prothèse ne permet ce genre de précision. Alors, je dois sans doute vous dire merci à mon tour.

Artemis lui tendit la pièce. Elle la regarda un instant, puis secoua la tête. Là. C’était la vérité d’Artemis Fowl. Un enfant honnête caché sous l’apparence d’un grand génie.

- Non, dit Holly. Gardez-là pour vous souvenir.
- Me souvenir ?

Holly le regarda droit dans les yeux. Les orbes noisettes rencontrèrent les iris océan de l’humain.

- Vous souvenir que loin au dessous des turpitudes se cache une étincelle de probité. Vous pourriez peut-être souffler sur cette étincelle à l’occasion.

Dans ses rêves, songea l’elfe. Le jour où il le ferait, Root arrêterait de fumer.

Artemis resserra ses doigts autour de la pièce. Holly sourit.

- Oui, peut-être, dit-il.

Un avion de tourisme. Artemis leva les yeux et Holly activa son camouflage. La moindre photo serait compromettante. Il rebaissa les yeux et regarda le scintillement qu’était devenu l’elfe, qui lui rendit son regard.

- Au revoir, Holly, dit-il d’une voix douce.

Et quand il fut parti, elle répondit :

- Au revoir, Artemis.